La manière avec laquelle les journalistes sportifs, appréhendent le sport féminin n’est que très rarement neutre et factuelle. Les  « a priori » sur les femmes et les hommes  sont présents dans les commentaires sportifs et on peut considérer ainsi que, les médias, occupent un rôle particulier dans leur perpétuation. Ils participent, souvent de façon non consciente, à remettent les femmes à « leur place ».

Il suffit de comparer les interviews de sportives et de sportifs pour s’apercevoir « de façons distinctes de procéder » : cette façon de faire serait directement issue d’une « communication masculine dominante et stéréotypée »[1].

Sous-représentation médiatique, insignifiance et sexualisation, voici en condensé, comment le sport féminin est relayé dans les médias. Mais ce n’est pas tout, voici en six points, les pratiques journalistiques qui participent à renvoyer les femmes … dans leur cuisine  !

1-Une comparaison au sport masculin quasi systématique…

Le sexe masculin et les références masculines seraient les unités de mesure pour la description de personnes. Ils serviraient de norme et de modèle pour décrire des personnes de sexe féminin.

Lors des JO de Rio, le Daily Mail, attribue le surnom de « Phelps au féminin » à Katie Ledecky, médaillée d’or du 400m nage libre. Ce titre a été repris par de nombreux médias.

2-Une insignifiance du sport féminin

L’insignifiance est le produit de plusieurs facteurs qui se combinent entre eux : sa sous-représentation médiatique, sa moindre valeur économique, ses liens avec l’amateurisme. Ses facteurs entrent dans une relation circulaire qui conduit, à l’extrême à rendre la sportive invisible.

Ainsi en couverture des JO de Rio, un journal de Chicago qui titrait « Corey Cogdell, la femme du défenseur des Chicago Bears [équipe de football américain] Mitch Unrein, remporte une médaille de bronze ». Son nom disparaît même dans le tweet du journal.

3-Un passage au second plan de la performance pour la sportive

Alors que dans le sport de haut niveau, toutes les ressources sont mobilisées autour de la recherche de la performance, on constate que médiatiquement le cœur du sujet du sport féminin se déplace en périphérie.

Que ce soit dans le cadre d’une interview, ou de ce qui relève de la stratégie éditoriale des médias spécialisés, le territoire de communication dépasse, en ce qui concerne les femmes, le cadre purement sportif.

Par exemple, les journalistes viennent régulièrement questionnée la maternité des sportives. Les questions portent en apparence sur l’organisation alors qu’elles renvoient en fait, insidieusement, au rôle séculaire de mère et son incompatibilité avec d’autres rôles sociaux.

4-Une tendance à la sexualisation des sportives

[2]

La mise en image des femmes par les médias contribue plutôt à mettre à distance la performance pour privilégier une certaine image de la féminité, plus ou moins explicitement associée à l’érotisme[3].

Les sportives sont affichées de manière à rappeler qu’elles sont des femmes « quand même », ce qui se traduit par le recours aux codes sociaux de la féminité les plus convenus : cheveux détachés, maquillage, ongles, robes[4]

Or, la sexualisation entraine aussi l’objectivation des femmes.

5-Un renvoi de la sportive au rang de « personnes ordinaires » ou bien encore infantilisée

Explication : Lorsque l’immaturité (historicité récente), l’insignifiance et l’amateurisme du sport féminin se combinent et sont transférés, sur la sportive elle-même.

L’expérience vécue en 2016 par la tenniswoman Eugénie Bouchard, est assez éloquente. Interviewée à l’issu de son match – le journaliste n’hésita pas à lui demander de « tournoyer » devant lui pour faire admirer sa tenue. Prise au dépourvu, Eugénie Bouchard demande : « Tournoyer, comme faire une pirouette ? » Et la jeune femme de s’exécuter, gênée.

6- Dans le sport, c’est la féminité qui est questionnée

« Le sport a tendance à viriliser les femmes » : personne n’est exempt de cette croyance, entretenue à une époque par les médecins.

Alors le journalisme est-il responsable de la différence de traitement notable entre sport féminin et sport masculin ? Les médias tiennent une place centrale dans l’écosystème : ils influencent la relation sport-marques et la relation sport-consommateurs. Le traitement médiatique du sport féminin se convertit donc en enjeu d’attractivité pour les sponsors. Faire en sorte que le sport féminin soit davantage bankable permet de pérenniser les projets de carrière des sportives. Il est donc essentiel pour l‘essor du sport féminin que la filière journalistique lui aménage des fenêtres médiatiques en nombre et surtout en qualité suffisants.

Enfin, si, face aux journalistes, les sportives n’étaient plus invitées à répondre de leurs actes face à ce que l’on pourrait qualifier de « transgression de la féminité », alors, la pratique sportive grandissante permettrait de faire oublier la légende du sexe faible, de transformer le rôle et l’image de la femme dans la société, et d’élargir la définition de la féminité.

 

Bibliographie

Etude HAVAS Sport entertainement, ESSEC, 2013

Guide « Pour convaincre du bien-fondé des politiques locales d’égalité femmes-hommes, édité par le centre Hubertine Auclert, https://www.centre-hubertine-auclert.fr/…/guidect1-nov14-web.pdf

HEAS Stéphane, BODIN Dominique, ROBENE Luc, MEUNIER Dominique et BLUMRODT Jens, « Sports et publicités, imprimées dans les magazines en France : une communication masculine dominante et stéréotypée ? », Études de communication [En ligne], 29 | 2006, URL : http://edc.revues.org/391

LIOTARD Philippe, Corps, genre et médias, 2011

[1] Stéphane Héas 2006

[2] Gail Devers surnommée « l’athlète aux griffes de tigresse »

[3] Philippe Liotard, Corps, genre et médias, 2011

[4] Id.Note 7

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